ACADEMIE DE L'EAU REFLEXION SUR LA GESTION DES EAUX PARTAGEES Janvier 1999 PROPOSITIONS POUR CONTRIBUER À LA MISE EN ŒUVRE DE STRUCTURES EFFICACES CONCERNANT LA GESTION DES EAUX PARTAGÉES Comme on l'a vu au Chapitre I, les Commissions Internationales de rivières ou de fleuves sont des organismes légaux dotés de la personnalité morales, créés par plusieurs États riverains pour organiser entre eux une concertation et une coordination plus ou moins large, afin de mieux utiliser et gérer leurs ressources en eau communes. Elles portent sur différents objets : navigation, hydroélectricité, irrigation, alimentation en eau... ou encore pour une gestion globale des eaux. Les tendances observées vont dans le sens d'une ouverture vers une gestion globale, le bassin s'étant de plus en plus souvent substitué au fleuve et les eaux souterraines complétant les eaux de surface. Même aujourd'hui, la notion de gestion durable se fait jour. Les contraintes fortes qui pèsent sur les États souhaitant se concerter et s'organiser viennent des "Règles Juridiques" établies au niveau international par les Nations Unies. Ces règles se sont développées depuis une vingtaine d'années, en s'appuyant d'ailleurs sur les problèmes soulevés par le fonctionnement des Commissions. Elles ne jouent pas qu'un rôle de garde-fou. En fixant le droit, elles incitent les États à s'entendre et à "agir raisonnablement et équitablement". En effet, celui qui ne les respecte pas peut être condamné suite à la plainte d'un État s'estimant pénalisé par les actions inconsidérées de l'autre. Le diagramme ci-dessus qui illustre cette dépendance montre que les instances internationales, régionales ou locales doivent s'insérer dans le dispositif avec les mêmes contraintes. La sécurité de leurs prêts ou même leur respectabilité leur impose en effet prudence et circonspection. Ils peuvent ainsi jouer un rôle d'incitation au rapprochement en n'acceptant de financer que des projets respectant le cycle vertueux de l'eau... L'action à mener et les moyens pour la faire aboutir sont très différents lorsqu'il s'agit de proposer d'ajouter des Règles Juridiques nouvelles et des moyens de conciliation qui devront être décidés par les Nations Unies, de propositions d'une "organisation type" de Commissions ou encore d'améliorations des dispositions d'actions des instances internationales et des bailleurs de fonds. Dans le premier cas, il s'agit d'actions à long terme car les délais d'aboutissement d'une nouvelle convention sont longs, cinq à dix ans, alors que dans le deuxième cas les projets d'amélioration proposés aux Commissions ou même aux modes d'intervention des instances bailleurs de fonds peuvent avoir des effets beaucoup plus rapides. On trouvera ci-dessous des propositions d'amélioration concernant : • • • les Règles juridiques de base et une proposition d'Instance de règlement des litiges intervenant avec la Cour Internationale de Justice, un projet d'articulation des Commissions de rivières à partir des tendances actuelles et création d'une Entente Internationale des Commissions de Bassins, liée au R.I.O.B., une proposition concernant les instances internationales et les bailleurs de fonds, ainsi que la suggestion que ces préconisations, élargies grâce à un approfondissement conduit par l'Académie de l'eau et le R.I.O.B., soient présentées à la "Conférence sur la vision 2020 de l'eau à La Haye de mars 2000", pour y être entérinées. 1. LES COMPLÉMENTS À APPORTER AU DROIT INTERNATIONAL DE L'EAU M. Dante CAPONERA [réf. 3] a montré que, selon les statuts de la Cour Internationale de Justice (art. 38), les sources du Droit International sont les suivantes : • • • • Le Droit conventionnel International ou le Droit des traités Le Droit Coutumier International ou la Pratique des États les principes généraux du Droit, reconnus par les nations civilisées Les décisions judiciaires ou la Jurisprudence Internationale et les enseignements des publicistes les mieux qualifiés, en tant que source subsidiaire Les anciennes bases doctrinales comprennent les théories juridiques reconnaissant la souveraineté territoriale absolue, selon laquelle un État a le droit absolu d'utiliser l'eau de son territoire comme bon lui semble. Cette doctrine connue sous le nom de "la doctrine Harmon" fut introduite par le ministre de la justice des Etats-Unis à la fin du 19ème siècle lors d'un conflit avec le Mexique sur les droits de l'irrigation. Elles conduisent à l'intégrité territoriale absolue selon laquelle les États riverains ont le droit absolu au flux naturel et non diminué ni en quantité, ni en qualité. Ces deux théories ne sont plus admises aujourd'hui, étant donné qu'elles sont extrémistes et irréalisables car elles ne protègent que les droits d'un seul État. Les nouvelles théories comprennent "la communauté des intérêts" entre les États riverains et "la souveraineté territoriale limitée" sur les ressources d'eau partagées afin de fournir à chaque État riverain une part raisonnable et équitable des eaux. Elles insistent sur les points suivants : • • • • L'utilisation de l'eau par un seul État ne doit pas porter atteinte aux intérêts des autres pays. Il ne faut pas abuser des Droits. Les États du même bassin doivent favoriser la relation de bon voisinage. Les "Lois de l'eau" internes à chaque État seront formulées et appliquées de façon à ne pas engendrer de conflits. Les Conventions d'Helsinki et de New York (cf. Chapitre I) ont explicité et développé ces principes. Elles ont également insisté sur les moyens à mettre en œuvre pour les appliquer, notamment le principe "pollueur-payeur" et les "Droits à préserver pour les populations futures" qui vont, tous deux, dans le sens du développement durable. Elles ont également pris en compte le "bassin hydrographique" comme territoire de gestion avec les autorisations de rejets basées sur les technologies les plus avancées ainsi que la prévention de la pollution à la source. 1.1. L'élargissement nécessaire des Règles internationales actuelles Malgré cette extension très large des principes de gestion, on doit noter des lacunes très importantes dans ces textes, qui doivent être comblées : • la nécessité de la fourniture d'eau saine pour tous et notamment pour les plus démunis ; • • une gestion intégrée des ressources en eau avec une planification poussée pour ajuster Offre et Demande ; l'intérêt d'agir sur la demande plus que sur l'offre, ce qui conduit à faire une place aux usagers et au public dans les instances de gestion. Cela nécessite de prévoir des moyens de formation adéquats ainsi qu'à développer des dispositifs de mesure cohérents dans toutes les zones de Bassin. Enfin, on doit noter l'absence d'une stratégie financière pour mobiliser les fonds pourtant indispensables pour mettre en œuvre une politique efficace. M. Philippe EL FADL [réf. 4] a bien mis en évidence ces lacunes, comme le prouve l'extrait suivant de sa communication au Congrès de Kaslik. "Le fait que les fleuves, les rivières, les lacs, les eaux souterraines constituent du fait de leur relation physique un ensemble unitaire n'est pas réellement pris en compte. Ainsi, les conventions internationales existantes mettent en œuvre une approche sectorielle de la gestion de l'eau au détriment d'une approche intégrée de la gestion du cycle de l'eau. De même, pratiquement aucun effort n'a été porté sur la connaissance des ressources en eau. Or, une gestion durable de l'eau ne saurait être envisagée sans l'amélioration des connaissances des ressources en eau. La connaissance de la ressource et l'évaluation des besoins sont en effet un préalable indispensable à une gestion globale et équilibrée de l'eau. Elle suppose la mise en place, la maintenance et l'exploitation de réseaux de mesures, et de banques de données. Une telle mise en place n'est pourtant pas, de façon générale, encouragée par les conventions existantes. La mise en place progressive de ces réseaux avec des financements internationaux appropriés permettrait à chaque pays de mieux organiser la planification de la gestion de l'eau, et cela, de façon durable. De même, une connaissance des ressources en eau ne saurait être sérieusement envisagée sans un réel programme de formation. Là encore, les conventions internationales portant sur l'eau ne se préoccupent pas des questions liées à la formation. Pourtant, les investissements dans les secteurs de l'eau, que ce soit dans les zones rurales ou dans les zones urbaines, ne sauraient être cohérents sans le développement de programmes de formation touchant des gestionnaires de la ressource, la formation professionnelle sur les techniques appropriées aux différents pays. De même, les conventions internationales n'ont, jusqu'à maintenant, pas encouragé le développement d'actions d'éducation des usagers et du public. Pourtant, sans de tels programmes de formation et d'information qui pourraient être mis en œuvre par des conventions internationales, les mesures d'économie de l'eau seront difficiles à réaliser. Or, là encore les conventions ne mettent absolument pas l'accent sur l'importance de faire des économies d'eau. Il devient pourtant urgent d'entreprendre des mesures concrètes afin de maîtriser la consommation d'eau et d'éviter tout gaspillage. Rappelons que les ressources d'eau diminuent et que l'eau est une ressource naturelle partagée. De même, parmi les lacunes des conventions internationales portant sur l'eau, il convient de mentionner l'absence de mesures financières. En effet, il n'existe aucune stratégie internationale réelle de mobilisation de fonds qui pourrait permettre la réalisation d'investissements d'ouvrages concernant l'eau." 1.2. La création d'un "Tribunal International de l'eau" ? Actuellement, les litiges entre États riverains sont jugés par la "Cour Internationale de Justice", par certains tribunaux de litiges ou les "Cours de Justice" instituées entre des pays associés ou des pays fédéraux, comme par exemple la Cour de Justice de l'Union Européenne à Luxembourg. Ainsi, comme l'indique SIRONNEAU [réf. 19], une trentaine de décisions jurisprudentielles ont été prises au 19ème siècle, lors du règlement de litiges. Et sans doute trois ou quatre fois plus au 20ème siècle, si on y incorpore les litiges réglés par l'Union Européenne et par des instances fédérales dans des pays comme les USA, le Brésil et l'Allemagne, ... La création d'un tribunal spécialisé sur l'eau, décidée par l'ONU, placé éventuellement sous la dépendance de la Cour Internationale de Justice, viendrait compléter l'arsenal des Règles concernant l'eau en général et, plus particulièrement, celles des eaux partagées, grâce aux décisions jurisprudentielles tirées de ses jugements. Un tel Tribunal serait compétent pour instruire, juger et régler : • • tout litige concernant les bassins hydrographiques nationaux ou fédéraux, tout litige concernant des bassins internationaux. La saisine du Tribunal pourrait provenir de trois instances : • • • de tout État national ou fédéré de tout représentant d'un Bassin ayant personnalité morale, de toute Commission internationale. ainsi que d'une pétition signé par plus de 1.000 (?) citoyens, à condition qu'elle soit transmise par l'un des trois demandeurs cités précédemment. 2. UNE CHARTE POUR LES COMMISSIONS INTERNATIONALES DE RIVIÈRES Actuellement, la création de Commissions internationales de bassins, qui est l'affaire des États concernés, ne s'appuie pas sur des "dispositions codifiées", pour les guider dans les dispositions dont ils restent et doivent rester maîtres. Leur guide externe est constitué des "Règles de Droit International", qu'ils doivent respecter et de l'expérience apportée par les Commissions existantes. Mais cette connaissance de cette expérience précieuse des succès et des échecs ne leur parvient, le plus souvent, que de façon limitée. C'est pourquoi il semble qu'au moment où la Communauté internationale souhaite la création de telles Commissions, comme cela a été exprimé avec force à la Conférence de Paris de mars 1998 sur "l'eau et le développement durable", il est nécessaire de bâtir un Code ou une Charte, regroupant des règles impératives et un ensemble de possibilités, issues de l'expérience des Commissions existantes. Les pays décidant de se concerter pour coopérer pour la gestion de leurs eaux communes disposeraient ainsi d'une base solide à adapter à leurs souhaits et à la spécificité de leur bassin. C'est ce qui est esquissé dans les paragraphes suivants qui insistent d'abord sur quelques préalables à mettre en œuvre pour chacun de ces pays, afin de donner à leur désir de coopération toute l'efficacité nécessaire. 2.1. Les préalables dépendants de chacun des pays concernés Le premier est relatif aux réseaux de mesure sur l'eau qui doivent fournir des données cohérentes d'un pays à l'autre, notamment pour les pays partageant les eaux du même bassin. Comment, en effet, comparer ressources et besoins, ainsi que la qualité des eaux de surface et souterraines, si les données ne le sont pas ou si la densité du réseau de collecte est insuffisante dans une portion du bassin. C'est évidemment un préalable souligné à maintes reprises, notamment dans les Recommandations de la Conférence de Paris et dans les actions prioritaires [réf. 10]. Le paragraphe I.A. du programme d'action prioritaire précise en effet "qu'il est de la responsabilité de chaque gouvernement d'organiser la permanence de ces systèmes et de veiller à améliorer la quantité ainsi que la qualité des informations traitées". Il recommande qu'une priorité soit donnée à l'harmonisation et à la standardisation nationale et internationale des définitions, au développement des formats d'utilisation faciles pour permettre l'accès et aux informations et aux échanges. Il cite enfin quelques programmes internationaux auxquels chaque pays, suivant sa zone géographique, peut se référer, à savoir : • • • • • • le réseau Eurowaternet de l'Agence européenne de l'environnement, le système SEMIDE euroméditerranéen dans le domaine de l'eau, les "Global Water Data Center" et le "World Hydrological cycle Observing System" de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM), les réseaux "FRIEND" des PHI de l'UNESCO et "AQUASTAT" de la FAO, le programme "GEMSWATER" du PNUE, ainsi que ceux de nombreux réseaux régionaux. Un second préalable, mis en relief précédemment, qui est à la charge des gouvernements, s'appuie sur la "gestion intégrée" et la notion de "gouvernance". Ces principes de gestion donnent une part de responsabilité aux usagers, aux associations et aux citoyens. Elles nécessitent donc le développement d'actions de formation et de communication auprès de tous ces publics. Là aussi, la Conférence de Paris de mars 1998 a insisté largement sur cette obligation, notamment dans le paragraphe II.E. de son programme prioritaire. Il préconise des actions de formation vers les professionnels, les opérateurs, ainsi que la sensibilisation, l'information et l'éducation des usagers. La "Charte de Montréal" [cf. JOST, réf. 2] fournit quelques orientations très utiles partant du constat que les solutions purement techniques ne suffisent pas à elles seules à assurer une meilleure qualité de vie aux populations, il est nécessaire de prévoir avec tout projet et programme liés à l'eau un volet formation visant également les hommes et les femmes. Dans ce domaine, certains principes se dégagent : • • • • prévoir la formation de gestionnaires de l'eau et de techniciens locaux, tout en cherchant à y inclure spécifiquement les femmes, en vue d'assurer l'entretien des installations à moyen et à long termes ; la formation comprend non seulement l'aspect technique, mais également la formation plus globale incluant l'hygiène, la santé ainsi qu'une meilleure compréhension du cycle de l'eau dans la nature et des moyens permettant de l'utiliser adéquatement ; s'engager à promouvoir auprès des populations (au Sud comme au Nord), une conscience du bien public et de l'importance de préserver la qualité de l'eau et de l'environnement en lien avec la santé ; adopter une approche participative dans la formation et s'appuyer davantage sur les compétences et les ressources locales dans tout programme de formation et d'éducation. Les moyens à mettre en œuvre doivent évidemment s'appuyer sur les structures des systèmes d'éducation de chaque pays comme le précise le document de l'UNESCO [réf. 7]. Le GREDIC [réf. 8] décrit une dizaine de modules à base scientifique développés grâce à un "modérateur scientifique" reliant les spécialistes et les citoyens. Son action, qui a porté sur la formation des formateurs et notamment des enseignants est diffusée sous forme de stages organisés avec les communes pour les adultes et vers les enfants dans des "classes d'eau". Les classes d'eau se sont également développées en France grâce à l'action des Agences de l'eau. L'Agence de l'eau Seine Normandie les organise dans plus de 800 classes concernant chaque année plus de 15.000 jeunes élèves du primaire et du secondaire. Elle a mis au point des modules pour des étudiants en liaison avec l'Université. Ces classes d'eau existent aussi dans de nombreux pays comme en Italie, en Espagne et en Tunisie. L'Agence de l'eau Rhin Meuse, quant à elle, a créé la campagne d'information et de sensibilisation "Vive l'eau ! Les jeunes se mobilisent." En sept années scolaires, plus de 150.000 jeunes de classes de primaire ou en formation professionnelle ont ainsi été sensibilisés à l'eau et à l'environnement au cours de 7.500 "Journées de l'eau" et conférences-débats. Chaque année scolaire, 1.000 nouvelles animations sont réalisées dans le bassin Rhin Meuse. Depuis 1988, les conférences-débats ont été orientées et spécialisées par métiers pour informer les futurs professionnels des secteurs du bâtiment, du bois, de l'automobile, du secteur social et paramédical et de la santé... L'Académie de l'eau a l'intention de procéder prochainement à une analyse, en partenariat avec l'UNESCO, de ces expériences pour les porter, le moment venu, à la connaissance des pays intéressés. 2.2. La concertation préalable Il est souhaitable que les pays partageant un même bassin nouent des contacts particuliers pour échanger des informations sur l'eau et sa gestion. Les contacts doivent rester d'abord à un niveau technique et se faire au travers de leurs services respectifs chargés de l'eau. Lorsque les États envisagent de mettre au point une coopération spécifique entre eux, ces contacts préalables, organisés d'accord partie, sont alors indispensables. Ils peuvent prendre la forme d'invitations de service à service pour une journée technique afin de confronter les connaissances sur le bassin, les modes de gestion et les réalisations techniques. Ils doivent être tenus alternativement dans chaque pays du bassin. Il est utile que des experts d'organismes régionaux ou internationaux puissent y être invités. Les points d'études souhaitables sont notamment les suivants : • • • • • • • Réseaux de mesure pour la quantité et la qualité des eaux de surface et souterraines et sur la pluviométrie, décrivant les techniques de mesure, densité des postes. Ces études peuvent aboutir à des échanges de données systématiques et à une évaluation des ressources en eau du bassin. Analyse des connaissances sur les prélèvements des différents usages et des rejets en quantité et qualité, ainsi que des moyens d'épuration et des techniques utilisées. Présentation des connaissances sur les ouvrages réalisés pour la maîtrise des débits, tels que barrages, et pour la lutte contre les inondations (travaux sur le lit, endiguement, ...), ainsi que pour la navigation. Echanges analogues sur la protection des nappes et des captages. Echange des connaissances sur les zones humides et leur conservation et sur les mesures prises pour la protection de l'environnement. Analyse des travaux de planification organisée pour la gestion de la ressource : adéquation offre/besoins, et réduction de la demande (économies d'eau, recyclage...). Comparaison des moyens consacrés à la formation au niveau des techniciens, des usagers et des citoyens. Enfin, présentation des modes de gestion dans les pays concernés : Services en charge de l'eau et de l'assainissement, Services de planification, ainsi que de l'irrigation, du contrôle des crues, la législation sur l'eau (police des eaux, autorisation de prélèvement et de rejets) et des dispositions en vigueur pour le financement des ouvrages ... Ces échanges pourraient se fixer comme objectif la préparation d'une monographie sur le Bassin, décrivant le cycle de l'eau face aux besoins des habitants et de leurs activités, permettant de mettre en évidence les problèmes locaux dans chaque partie du bassin et ceux existant ou susceptible d'apparaître entre les parties du bassin appartenant à chacun des pays riverains. 2.3. Les dispositions à prévoir pour les "Commissions de Bassin" La phase de constitution Elle démarre avec la volonté d'au moins un des États riverains de se concerter avec le (ou les) autre(s) : • • soit parce que les études évoquées au paragraphe précédent ont montré que des problèmes perturbent (ou risquent de perturber) ses ressources en eau ne peuvent être résolus qu'en commun, soit parce qu'il constate que des perturbations : pollution, pénurie d'eau à certains moments, etc. ... proviennent d'activités menées par un autre État ne respectant pas le Droit International, c'est-àdire à la suite d'un litige déclaré ou potentiel. Il est évidemment plus aisé de s'entendre à froid, plutôt qu'à chaud. On constate, en effet, que la plupart des blocages viennent de prises de contact trop tardives, de niveaux socio-économiques très différents entre les pays riverains, empêchant les plus pauvres d'agir contre les plus riches, ou encore de la position hégémonique du pays amont château d'eau. Les cas du Nil, du Tigre et de l'Euphrate ou du Jourdain en sont de bons exemples. Dans ces cas, l'intervention demandée et acceptée d'organismes internationaux ou régionaux, comme la Banque Mondiale ou la Commission de Bruxelles peut aider à débloquer la situation. Il paraît donc sage d'organiser les contacts au niveau diplomatique dès que seront apparus, soit des dysfonctionnements dans le cycle de l'eau venant d'actions d'un pays riverain, non conformes au Droit International, ou même de risque d'une telle situation mise en évidence par les échanges techniques entre services. Prendre alors l'initiative d'une "Conférence destinée à organiser la Coopération entre Pays riverains" est plus efficace que de déposer une plainte. Y inviter comme observateurs, dans un premier temps, des représentants d'organismes internationaux ou régionaux, ou encore de bailleurs de fonds est également conseillé. On ne reviendra pas ici sur les raisons poussant les États à se concerter qui ont été développées en détail au §4 du Chapitre I, auquel le lecteur peut avoir intérêt à se reporter, pas plus que les obstacles à lever, comme la perte partielle de souveraineté qu'entraîne une coopération active qui doit être compensée par les avantages d'une ressource en eau mieux mobilisable et de meilleure qualité. En revanche, il est intéressant de rappeler une analyse qu'ont faite WOLF et AMNER [réf. 1] de 145 Traités, dont 124 sont bilatéraux et seulement 21 multilatéraux. La plupart (52) sont la suite heureuse de litiges entre deux Etats ou encore d'un désaccord entre deux Etats unis et un troisième (15), alors que 22 Traités ne font mention d'aucun désaccord et que 47 ne le précisent pas. On notera d'ailleurs que de nombreux traités ont pu être signés grâce à des compensations en espèces (46), en terrain (6) ou autre sans lien avec l'eau (10), et que 83 se réfèrent uniquement à l'eau. En ce qui concerne leurs objectifs, 57 Traités se rapportent à l'hydroélectricité, 53 à l'alimentation en eau, 9 aux usages industriels ou à la navigation et seulement 6 à la pollution et 13 aux inondations. Enfin, 78 d'entre eux ont prévu des clauses pour les mesurer et 67 n'en ont pas. Beaucoup de ces Traités, qui ont 20 à 50 ans, n'avaient que des objectifs limités, notamment résoudre une crise, et ne mettaient pas en place un organe permanent de concertation (ou bien ceux prévus n'ont pas fonctionné). Aujourd'hui, on s'efforce que de tels accords débouchent effectivement sur une Conférence créant un outil de dialogue et d'échanges. L'ordre du jour d'une telle conférence, qui doit être préparée avec les services techniques peut être le suivant : • • • Exposé sur les problèmes inter-Etats perturbant le cycle de l'eau du Bassin ; Propositions pour y faire face montrant la nécessité et les gains venant d'une coopération étroite entre les pays riverains ; Cadre proposé pour une telle coopération concernant les objectifs d'actions, les études à mener, les échanges d'informations techniques, la répartition des tâches entre celles à mener ensemble (ou à coordonner étroitement) et celles restant dévolues à chaque État ; • Projet de Convention ou de Protocole constituant comme outil de travail, de rencontre et d'échange, la Commission internationale du bassin ou du fleuve. La Convention ou le Protocole Il doit porter sur les points suivants . • • L'objet de la coopération, notamment: o si elle ne porte que sur des problèmes limités comme navigation, production d'électricité, renforcement des étiages et répartition de débit, lutte contre les inondations, maîtrise de la pollution, pêcheries... o si elle vise à la gestion globale des ressources en eau du bassin, c'est-à-dire à la préparation d'un schéma directeur d'aménagement (et de gestion) et, dans le premier cas, préciser comment on peut en étendre la portée : par des avenants ou des protocoles annexes. La réalisation de ces objectifs passe par des actions multiples sur le terrain : o des études et des échanges d'informations ; o la réalisation d'ouvrages (barrages, endiguement, stations d'épuration, ...) ; o la gestion de ces ouvrages qui ont tous un impact sur le cycle de l'eau en quantité et qualité ; o formation des opérateurs, des usagers, des associations... o information du public. Ces actions doivent être classées en deux catégories : • • • Actions restant du ressort de chaque État ; Actions communes comme études, ouvrages d'intérêt commun, gestion en temps de crise (pénurie d'eau ou inondation). La réalisation des objectifs dépend aussi de dispositions fiscales ou financières Elles doivent être évoquées même si, dans la quasi totalité des cas, elles concernent l'organisation administrative de chaque État et doivent rester de sa compétence. Elles ont en effet un impact fort sur les objectifs. C'est le cas de : • • • • la politique pollueur-payeur ou utilisateur payeur ; la tarification sur les prélèvements et la consommation ou qui agissent sur la demande ; ou encore des taxes éventuelles sur des polluants diffus comme engrais ou pesticides. La définition des signataires de la Convention et du rôle de la Commission et de ses organes Elle est du ressort de chaque État du Bassin et éventuellement d'instances internationales associées. Les organes à créer peuvent comprendre : • • • une Assemblée composée de membres désignés par les États et les instances associées qui élit son Président (éventuellement alternativement parmi les membres de chaque État) et désigne un Conseil d'Administration et une Instance chargée des litiges ; des ateliers de travail, lesquels se réunissent périodiquement dans des lieux choisis en commun un secrétariat permanent La Convention doit prévoir le rôle de chacun de ces organes et les dispositions pour en adopter les décisions ou les recommandations (unanimité, majorité qualifiée ...), la périodicité de réunion des organes non permanents (Conseil, Atelier et Instance des litiges) et les lieux des réunions, ainsi que le siège du Secrétariat permanent. • • La répartition des financements nécessaires au fonctionnement de ces organes entre les parties signataires, tant pour le Secrétariat permanent que pour les organismes non permanents et, le cas échéant, pour des études ou la réalisation d'ouvrages communs. La participation des usagers aux discussions et aux décisions doit être définie. Il faut en effet que les réalisations bénéficient d'un consensus des États, mais qu'ils correspondent aux souhaits des usagers qui auront finalement, dans chaque pays, à en supporter le coût directement (par le prix de l'eau et des services) et indirectement par l'impôt. Si les usagers ne peuvent pas être signataires de la Convention ou voter lors des Conseils d'Administration ou à l'Assemblée, leur participation aux ateliers doit être prévue. Ces usagers pourraient être désignés par des Associations présentes pour chaque État. • • Le statut juridique prévu pour la Commission doit lui donner la personnalité morale vis-à-vis des États majoritaires et de celui du siège de son Secrétariat permanent. Elle doit pouvoir ester en justice et saisir toutes les juridictions spécialisées. De même doit être précisé le statut juridique des éventuels ouvrages réalisés par la Commission. Les litiges pouvant survenir entre les États signataires doivent d'abord être instruits par l'Instance créée à cet effet par la Commission avant d'être, le cas échéant, s'ils n'ont pu être réglés, portés devant un Tribunal défini dans la Convention (une Cour régionale, ou la Cour de Justice Internationale). 2.4. La création d'une Entente des Commissions Internationales de Bassin Tout comme les "organismes de bassin nationaux", qui se sont créés dans de nombreux pays et qui se sont rapidement constitués en "Réseau International des Organismes de Bassin", le R.I.O.B., pour communiquer facilement entre eux et bénéficier ainsi de l'expérience des autres, il semble que la création d'une Entente des Commissions Internationales de Bassin (E.C.I.B.) serait très souhaitable et utile. En effet, dès maintenant, les Commissions les plus anciennes, qui ont acquis beaucoup d'expérience, sont sollicitées pour aider ou conseiller les nouvelles ou celles qui ressentent difficultés et problèmes. Ainsi, la Commission du Rhin (C.I.P.R.) apporte des conseils à d'autres Commissions, comme celle du Danube. Cet appui viendrait compléter, par une expérience vécue, celui apporté par la Charte proposée en annexe qui reprend et développe les propositions du paragraphe 2 de ce chapitre. Une telle Entente trouvera, tout naturellement, sa place dans le R.I.O.B., dont les statuts ont prévu cette possibilité [Mancel, réf. 5]. L'intérêt d'une adhésion à une telle Entente est signalé dans la Charte ci-annexée. 3. LES RECOMMANDATIONS À PRODIGUER AUX INSTANCES INTERNATIONALES OU RÉGIONALES Ces instances ont trois rôles à jouer dans les bassins internationaux en plus de leurs fonctions habituelles : • • • apporter des "expertises neutres" pour aider à débloquer des situations difficiles ; contribuer à inciter les Commissions à rendre cohérents leurs réseaux de mesure et à mettre en œuvre des formations au profit, tant des techniciens, que des usagers ; aider les États les moins riches à agir comme peuvent le faire les autres, sans aide extérieure ou avec des aides plus réduites. Le premier rôle est dans la tradition de la "Banque Mondiale" et d'autres institutions des Nations Unies, comme le FAO, l'OMS, l'UMM, le PNUD, le PNUE. Elles peuvent agir sur ce plan à condition que cette action leur soit demandée par les États concernés. Il est très facilité si la Banque, tête de file des organisations internationales, est l'un des signataires du protocole d'accord inter-Etats. Elle peut alors contribuer à orienter le programme vers les actions les plus utiles et efficaces. Le deuxième est lié aux aides financières que ces organisations attribuent aux États (ou à la Commission) pour la mise en œuvre des réalisations prévues dans le programme. Ils peuvent alors décider qu'une fraction de leur aide porte sur des actions de formation ou de mise en cohérence des moyens de mesure. Le troisième est très important puisque, grâce à des taux de prêts adaptés, ils peuvent contribuer à supprimer l'impossibilité matérielle de réaliser les travaux nécessaires du programme à des vitesses analogues dans les pays riches et pauvres, ce qui est, évidemment, essentiel pour éviter que des retard dans certaines parties des bassins compromettent l'efficacité de l'action commune. Enfin, dans leurs actions de bailleurs de fonds, ces organismes, qui sont bien au courant des "Règles du Droit International", doivent , lors de l'instruction des dossiers d'aides, vérifier si les travaux à financer en tiennent compte effectivement. Et si ce n'est pas le cas, refuser l'aide ou demander les modifications nécessaires. C'est un rôle précieux de garde-fou évitant la naissance de nombreux litiges ultérieurs. Les organismes régionaux comme la Banque Asiatique de développement ou la Banque de développement latino-américaine, ainsi que la Banque de Reconstruction et de Développement en Europe (BERD), peuvent aussi jouer des rôles analogues. L'Union Européenne, qui opère suivant des dispositions semblables dans sa zone d'action, agit grâce à ses Directives dans un cadre très précis fixant les règles à respecter. Peut-être les Organismes internationaux pourraient-ils s'en inspirer en établissant, elles aussi, une Charte à respecter pour leurs interventions [HUGLO, réf. 11]. 4. PROPOSITIONS POUR LA MISE EN ŒUVRE DE CES RECOMMANDATIONS ET CONSEILS Comme on l'a signalé dans l'introduction, cette étude a été menée avec des moyens financiers limités et dans un délai réduit, afin de pouvoir être présentée à l'Assemblée Générale du R.I.O.B. à Bahia début décembre 1998. Elle ne porte donc que sur un nombre limité de cas et n'a pu procéder à une analyse approfondie, tant des "Règles du Droit International", que des apports venant d'autres Commissions existantes dans le monde. Son élargissement apparaît donc très souhaitable, si les membres du R.I.O.B., comme ceux de l'Académie de l'eau, estiment qu'elle mériterait alors d'être soumise à la Conférence de La Haye de mars 2000 pour "la vision 2020 de l'eau". Celle-ci pourrait discuter des propositions concernant une extension des Règles du Droit International et faire une recommandation dans ce sens aux Nations Unies. Enfin, la Conférence, après l'avoir discutée et amendée, pourrait adopter la "Charte de base des Commissions Internationales de Bassin" qui contribuerait au développement de ces "coopérations interEtats" que la Conférence de Paris de mars 1998 sur le développement durable avait estimé nécessaire et prioritaire. L'extension de l'étude pourrait porter sur les points suivants : • sur la réalisation de monographies pour une dizaine de cas de bassins, notamment sur le Danube en Europe, sur le Nil et le lac Tchad en Afrique, sur l'Euphrate et le Jourdain au Moyen-Orient, sur • • • le Gange, la mer d'Aral et le Mékong en Asie, sur le Rio Grande et le Rio de la Plata Parana en Amérique ; sur l'expérience tirée des règles utilisées par cinq pays fédéraux pour harmoniser la gestion de l'eau dans des bassins partagés (Allemagne, USA, Brésil, Mexique, Inde) ; sur des propositions précises concernant le Droit International pour les eaux partagées, tirées de ces nouvelles expériences ; sur l'amélioration de la Charte de base des Commissions Internationales. Cette extension, menée par l'Académie et le R.I.O.B. multiplierait par trois environ, les sources de l'étude actuelle. La nouvelle étude pourrait donner lieu à un document présenté et à débattre début 2000 avant la Conférence de La Haye à un Symposium d'une cinquantaine de spécialistes regroupant des représentants des cas étudiés, ceux des cinq pays fédéraux, ainsi que des organismes internationaux intéressés (Banque mondiale, PNUD, UNESCO, Commission du Droit International, Union Européenne). ANNEXE SOMMAIRE DE LA CHARTE CONSEIL DES COMMISSIONS INTERNATIONALES DE BASSIN PRÉAMBULE Prenant en compte le fait que l'eau est un bien social et environnemental qui joue un rôle vital dans la satisfaction des besoins humains élémentaires, la santé, la sécurité de l'alimentation, la réduction de la pauvreté et la protection des écosystèmes et que l'eau douce est une ressource fragile dont le renouvellement par son cycle naturel est perturbé par les activités humaines et les hommes, il apparaît que la gestion de son cycle nécessite une approche intégrée et non sectorielle, qui tienne compte des besoins à long terme comme des besoins immédiats. La gestion et la mise en valeur des ressources en eau doivent donc associer décideurs, techniciens, usagers et planificateurs à tous les échelons. On doit considérer le cycle de l'eau dans son ensemble, au sein duquel interagissent sur les ressources, en quantité et qualité, les prélèvements et les rejets de tous les usagers, suivant leur implantation sur le territoire, recevant les précipitations météorologiques qui alimentent les écoulements de surface et les nappes. On doit aussi tenir compte des liens étroits entre eau et environnement. Il résulte de ces faits que le bassin hydrographique est le lieu privilégié pour établir la planification de l'eau. Elle doit donc se faire en liaison avec celle du Territoire et préserver également l'environnement et toutes les ressources naturelles dans le cadre d'une politique de développement durable. Les États partageant les ressources en eau du bassin qui leur est commun ont donc tout intérêt à échanger des informations pour une meilleure gestion de ce bien précieux, à se concerter et, le moment venu, à travailler ensemble dans une "Commission Internationale de Bassin". Ces États pourraient, pour nouer ces rapports et s'engager dans une gestion efficace de leurs ressources en eau, s'appuyer sur les articles ci-dessous, qui décrivent les voies et les moyens à mettre en œuvre. ARTICLE 1 LES ACTIONS PRÉALABLES DÉPENDANT DE CHACUN DES PAYS 1.1. Les réseaux de mesure Chaque État doit établir un Etat des lieux exhaustif de ses ressources en eau et des systèmes aquifères dans la partie du bassin le concernant, en constituant des réseaux de mesure adéquats. Ceux-ci doivent porter sur les pluies, les eaux de surface (débit, niveau, qualité) et les eaux souterraines (niveau, qualité) avec une implantation et une densité judicieusement choisies. Il doit aussi établir une liste des prélèvements et des rejets comportant, pour les plus importants, des mesures en quantité et qualité. Pour les méthodes de mesure, il a intérêt à utiliser des méthodes reconnues valables à un niveau international. Les données ainsi récoltées doivent être mises sous une forme permettant leur utilisation aisée, tant pour les spécialistes que pour les usagers et le public. 1.2. Économie d'eau et tarification Economiser l'eau pour les diverses utilisations est un objectif nécessaire lorsque la ressource est limitée face aux besoins. Il est alors préférable d'agir sur la demande plutôt que sur l'offre ou, au moins, sur les deux alternatives, plutôt qu'uniquement sur l'offre. Cette gestion de la demande peut s'appuyer sur des technologies spécifiques comme : • • • l'aspersion ou le "goutte à goutte" pour l'irrigation, grande utilisatrice d'eau, le recyclage dans l'industrie la lutte contre les fuites d'eau dans les réseaux de distribution et contre le gaspillage. Parallèlement à ces moyens techniques, cette gestion économe peut aussi s'appuyer sur le principe utilisateur-payeur et utiliser une tarification adaptée comme la tarification progressive qui réduit la consommation des plus gros utilisateurs et procure également des recettes permettant de fournir de l'eau à faible prix pour les plus défavorisés. De même, des incitations fiscales peuvent être utilisées comme le principe utilisateur-payeur (voir 1-5). 1.3. La maîtrise de la pollution L'auto-épuration naturelle ne peut être efficace que pour des rejets limités. Il faut donc épurer les rejets excédentaires en les épurant préalablement, partout où la densité d'occupation des sols et des activités dépassent un seuil limite très peu élevé, afin de conserver aux rivières une vie aquatique et permettre l'utilisation de ses eaux pour les différents usages avec, éventuellement, des traitements. Il convient aussi de protéger la nappe et les captages. Comme pour les économies d'eau est recommandée l'utilisation du principe pollueur-payeur et des incitations fiscales ou des taxes sur l'usage des engrais et des pesticides qui créent des pollutions diffuses qui incitent à dépolluer ou à limiter leur usage abusif. 1.4. Les autorisations de prélèvement et de rejets Elles doivent être délivrées par l'autorité chargée de la police des eaux après instruction, afin de vérifier si ces interventions sur les eaux de surface et les nappes ne sont pas dommageables. Se limitant à celles dépassant un seuil à définir, elles portent sur les débits et les quantités prélevées (variables éventuellement suivant la saison) et sur les débits, volumes et les flux polluants des rejets. Elles fixent également les niveaux d'épuration pour les différents paramètres des substances rejetées. 1.5. Les moyens de financement Ils peuvent provenir : • • • • des produits du prix de l'eau et de l'assainissement et de sa tarification suivant le principe "l'eau paye l'eau", grâce à des autofinancements et à des emprunts ; des redevances redistribuées aux projets de travaux en appliquant les principes "pollueur-payeur" ou "utilisateur-payeur" qui ont un double impact, celui d'apporter des ressources financières et celui d'inciter le pollueur à dépolluer et les consommateurs d'eau à réduire leurs besoins en supprimant les pertes et le gaspillage ; de subventions (ou de prêts à taux réduits) de l'État (ou des collectivités), venant du produit des impôts ou de taxes fiscales pesant les la pollution diffuse (ou autre), ayant le même double impact que les dispositions citées dans le paragraphe ci-dessus ; d'aides extérieures au pays concernés par des dons et des prêts à taux et durée privilégiée venant d'Instances Internationales, Régionales ou de pays partenaires. L'emploi de telle ou telle de ces ressources n'est pas neutre pour une gestion économique de l'eau et il convient de privilégier, chaque fois que possible, des ressources venant de l'eau et incitant à l'économie ou à la dépollution. 1.6. Les moyens de formation Partant du constat que les solutions purement techniques ne suffisent pas à elles seules à assurer une meilleure qualité de vie aux populations, il est nécessaire de prévoir avec tout projet et programme liés à l'eau un volet formation visant également les hommes et les femmes. Dans ce domaine, certains principes se dégagent : • • • • prévoir la formation de gestionnaires de l'eau et de techniciens locaux, tout en cherchant à y inclure spécifiquement les femmes, en vue d'assurer l'entretien des installations à moyen et à long termes ; la formation comprend non seulement l'aspect technique, mais également la formation plus globale incluant l'hygiène, la santé ainsi qu'une meilleure compréhension du cycle de l'eau dans la nature et des moyens permettant de l'utiliser adéquatement ; s'engager à promouvoir auprès des populations (au Sud comme au Nord), une conscience du bien public et de l'importance de préserver la qualité de l'eau et de l'environnement en lien avec la santé ; adopter une approche participative dans la formation et s'appuyer davantage sur les compétences et les ressources locales dans tout programme de formation et d'éducation. Les moyens à mettre en œuvre doivent s'appuyer sur les structures des systèmes d'éducation de chaque pays. ARTICLE 2 LA CONCERTATION PRÉALABLE Il est souhaitable que les pays partageant un même bassin nouent des contacts particuliers pour échanger des informations sur l'eau et sa gestion. Les contacts doivent rester d'abord à un niveau technique et se faire au travers de leurs services respectifs chargés de l'eau. Lorsque les États envisagent de mettre au point une coopération spécifique entre eux, ces contacts préalables, organisés d'accord partie, sont alors indispensables. Ils peuvent prendre la forme d'invitations de service à service pour une ou plusieurs journées, afin de confronter les connaissances sur le bassin, les modes de gestion et les réalisations techniques. 2.1. Son organisation Ils doivent être tenus alternativement dans chaque pays du bassin et il est utile que des experts des instances internationales ou régionales puissent y être invités. 2.2. Les points d'études souhaitables sont notamment les suivants • • • • • • • • Réseaux de mesure pour la quantité et la qualité des eaux de surface et souterraines et sur la pluviométrie, décrivant les techniques de mesure, densité des postes. Ces études peuvent aboutir à des échanges de données systématiques et à une évaluation des ressources en eau du bassin. Analyse des connaissances sur les prélèvements des différents usages et des rejets en quantité et qualité, ainsi que des moyens d'épuration et des techniques utilisées. Présentation des connaissances sur les ouvrages réalisés pour la maîtrise des débits, tels que barrages, et pour la lutte contre les inondations (travaux sur le lit, endiguement...), ainsi que pour la navigation. Echanges analogues sur la protection des nappes et des captages. Echange des connaissances sur les zones humides et leur conservation et sur les mesures prises pour la protection de l'environnement. Analyse des travaux de planification organisée pour la gestion de la ressource : adéquation offre/besoins, et réduction de la demande (économies d'eau, recyclage...). Comparaison des moyens consacrés à la formation au niveau des techniciens, des usagers et des citoyens. Enfin, présentation des modes de gestion dans les pays concernés : Services en charge de l'eau et de l'assainissement, Services de planification ainsi que de l'irrigation, du contrôle des crues, la législation sur l'eau (police des eaux, autorisation de prélèvement et de rejets) et des dispositions en vigueur pour le financement des ouvrages... 2.3. L'objectif de ces échanges Ces échanges pourraient se fixer comme objectif la préparation d'une monographie sur le Bassin, décrivant le cycle de l'eau face aux besoins des habitants et de leurs activités, permettant de mettre en évidence les problèmes locaux dans chaque partie du bassin et ceux existant ou susceptible d'apparaître entre les parties du bassin appartenant à chacun des pays riverains. 2.4. Le respect des Règles du Droit International Chacun des pays partageant les eaux d'un même bassin doivent agir en respectant les principes fixés par le Droit International, à savoir : • • • • l'utilisation de l'eau par un pays ne doit pas porter atteinte aux intérêts des autres ; il ne faut pas abuser des droits ; les États d'un même bassin doivent favoriser les solutions de bon voisinage ; les "lois de l'eau" internes à chaque État seront formulées et appliquées de façon à ne pas engendrer de conflits. Ces Règles, fixées notamment par les Conventions d'Helsinki et de New-York, valent pour toutes les utilisations de l'eau, qu'elles concernent les prélèvements ou les rejets et concernent donc les ressources en quantité et qualité. Elles reprennent d'un pays à l'autre les principes valables dans un même pays entre amont et aval et ceux d'une utilisation raisonnable et mesurée. ARTICLE 3 LA PHASE DE CONSTITUTION DE LA COMMISSION Elle démarre avec la volonté d'au moins un des États riverains de se concerter avec le (ou les) autre(s) : • • soit parce que les études évoquées au paragraphe précédent ont montré que des problèmes perturbent (ou risquent de perturber) ses ressources en eau ne peuvent être résolus qu'en commun, soit parce qu'il constate que des perturbations (pollution, pénurie d'eau à certains moments...) proviennent d'activités menées par un autre État ne respectant pas le Droit International, c'est-àdire à la suite d'un litige déclaré ou potentiel. Il est évidemment plus aisé de s'entendre à froid, plutôt qu'à chaud. On constate, en effet, que la plupart des blocages viennent de prises de contact trop tardives, de niveaux socio-économiques très différents entre les pays riverains, empêchant les plus pauvres d'agir contre les plus riches, ou encore de la position hégémonique du pays amont château d'eau. Les cas du Nil, du Tigre et de l'Euphrate ou du Jourdain en sont de bons exemples. Dans ces cas, l'intervention demandée et acceptée d'organismes internationaux ou régionaux, comme la Banque Mondiale ou la Commission de Bruxelles peut aider à débloquer la situation. Il paraît donc sage d'organiser les contacts au niveau diplomatique dès que seront apparus, soit des dysfonctionnements dans le cycle de l'eau venant d'actions d'un pays riverain, non conformes au Droit International, ou même de risque d'une telle situation mise en évidence par les échanges techniques entre services. Prendre alors l'initiative d'une "Conférence destinée à organiser la Coopération entre Pays riverains" est plus efficace que de déposer une plainte. Y inviter comme observateurs, dans un premier temps, des représentants d'organismes internationaux ou régionaux, ou encore de bailleurs de fonds est également conseillé. L'ordre du jour d'une telle conférence, qui doit être préparée soigneusement avec les services techniques peut être le suivant : • • • • • Exposé sur les problèmes inter-Etats perturbant le cycle de l'eau du Bassin ; Propositions pour y faire face montrant la nécessité et les gains venant d'une coopération étroite entre les pays riverains ; Mise en commun des objectifs de chaque partie pour un développement équitable et durable ; Cadre proposé pour une telle coopération concernant les objectifs d'actions, les études à mener, les échanges d'informations techniques, la répartition des tâches entre celles à mener ensemble (ou à coordonner étroitement) et celles dévolues à chaque État ; Projet de Convention ou de Protocole constituant comme outil de travail, de rencontre et d'échange, la Commission internationale du bassin ou du fleuve. Elle doit s'appuyer sur les travaux préalables décrits dans les articles 2.2. et 2.3. ARTICLE 4 L'OBJECTIF DE LA COMMISSION ET DU PROTOCOLE LA CONSTITUANT • • Il peut être limité s'il ne porte que sur des problèmes spécifiques, notamment comme navigation, production d'électricité, renforcement des étiages et répartition de débit, lutte contre les inondations, maîtrise de la pollution, pêcheries... Il peut être global et viser la gestion globale des ressources en eau du bassin, c'est-à-dire à la préparation d'un schéma directeur d'aménagement (et de gestion) Si les objectifs sont limités, il sera toujours possible de les étendre par voie d'avenant ou d'amendement, comme prévu à l'article 12. ARTICLE 5 LES MOYENS À PRÉVOIR POUR RÉALISER LES OBJECTIFS La réalisation de ces objectifs passe par des actions multiples sur le terrain : • • • • • des études et des échanges d'informations, les travaux à réaliser et leur programmation, la gestion de ces ouvrages qui ont tous un impact sur le cycle de l'eau en quantité et qualité, la formation des opérateurs, des usagers, des associations..., l'information du public. Ils dépendent aussi de dispositions fiscales ou financières à la diligence des États et qui doivent rester de leur compétence, comme : • • • la politique pollueur-payeur ou utilisateur payeur la tarification sur les prélèvements et la consommation ou qui agissent sur la demande, ou encore des taxes éventuelles sur des polluants diffus comme engrais ou pesticides. ARTICLE 6 LES SIGNATAIRES DE LA CONVENTION ET LE RÔLE DE LA COMMISSION ET DE SES ORGANES DE FONCTIONNEMENT Les signataires en sont les représentants des États riverains et, éventuellement, d'un représentant d'une instance internationale associée. Les organes peuvent comprendre : • • • • • une Assemblée composée de membres désignés par les États et les instances associées qui élit son Président (éventuellement alternativement parmi les membres de chaque État), un Conseil d'Administration, un Instance chargé des litiges, des ateliers de travail, lesquels se réunissent périodiquement dans des lieux choisis par l'Assemblée (ou fixés par la Convention), un secrétariat permanent. La Convention doit prévoir de façon précise le rôle de chacun de ces organes ainsi que les dispositions pour en adopter les décisions ou les recommandations (unanimité, majorité qualifiée ...). Si ces dispositions ne reviennent pas à l'Assemblée, la Convention doit également fixer la périodicité de réunion des organes non permanents (Conseil et Atelier) et les lieux des réunions, ainsi que le siège du Secrétariat permanent. ARTICLE 7 LA FIXATION DE FINANCEMENTS NÉCESSAIRES AU FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION ET À SES RÉALISATIONS ÉVENTUELLES La répartition en pourcentage des frais de fonctionnement entre les parties signataires doivent être fixés par la Convention pour le fonctionnement courant, le montant des dépenses étant du ressort de l'Assemblée sur proposition du Secrétariat permanent. L'Assemblée fixe aussi le budget des travaux communs et leur répartition entre les parties tant pour les investissements que pour les frais de gestion. ARTICLE 8 LA PARTICIPATION DES USAGERS AUX DISCUSSIONS ET AUX DÉCISIONS Elle est souhaitable car il faut en effet que les réalisations bénéficient d'un consensus des États, mais qu'ils correspondent également aux souhaits des usagers qui auront finalement, dans chaque pays, à en supporter le coût directement (par le prix de l'eau et des services) et indirectement par l'impôt. Bien que ces usagers ne puissent pas être signataires de la Convention ou voter lors de l'Assemblée, leur participation à celle-ci et aux ateliers doit être prévue. Ces usagers pourraient être désignés par des Associations présentées par chaque État, en fonction des postes prévus dans la composition de ces instances. ARTICLE 9 STATUT JURIDIQUE DE LA COMMISSION Il doit lui donner la personnalité morale vis-à-vis des États majoritaires et de celui du siège de son Secrétariat permanent. La Commission doit pouvoir être "Ester en justice" et pouvoir saisir toutes les juridictions spécialisées. De même doit être précisé le statut juridique des éventuels ouvrages réalisés par la Commission. Les ouvrages communs sont individuellement déclarés comme propriété commune et indivisible des Etats membres. Pour ces ouvrages dont les Parties sont copropriétaires, l'Etat sur le territoire duquel se trouve tout ou partie de tels ouvrages ne doit mettre aucun obstacle à leur construction ni à l'exercice par les autres Etats copropriétaires de leurs droits d'usage, de jouissance et d'administration. ARTICLE 10 LES LITIGES POUVANT SURVENIR ENTRE LES ÉTATS SIGNATAIRES Chaque Etat peut porter tout litige le concernant devant la Commission ou lui adresser un litige présenté par un ensemble de plus de 10.000 (?) de ses habitants. Ces litiges doivent d'abord être instruits par l'Instance créée à cet effet par la Commission avant d'être, le cas échéant, s'ils n'ont pu être réglés, portés devant un Tribunal défini dans la Convention (une Cour régionale, ou la Cour de Justice Internationale). ARTICLE 11 ADHÉSION À UNE ENTENTE DES COMMISSIONS Il est proposé à la Commission ainsi constituée d'adhérer à l'Entente des Commissions Internationales de Bassin (E.C.I.B.) affiliée au Réseau International des Organismes de Bassin (R.I.O.B.). ARTICLE 12 AMENDEMENTS À LA CONVENTION Toute partie peut proposer des amendements à la Convention, examinés lors d'une réunion des parties. Le texte de toute proposition d'amendement est communiqué par écrit à toutes les parties quatre-vingt dix jours au moins avant la réunion au cours de laquelle l'amendement est proposé pour adoption. Tout amendement est adopté par les représentants des parties à la Convention. Il entre en vigueur le 90ème jour qui suit la date d'acceptation de l'amendement. ARTICLE 13 RATIFICATION La présente Convention est soumise à ratification, acceptation, approbation ou adhésion par les États, ainsi que les organisations internationales ou régionales parties à la Convention.